Actualités

Cgf1052 440x282

ANNÉE 1900 (SOUDAN MALI) ANNÉE 1900 ET PAYS DOGON

Par Le dimanche, 15 janvier 2023

Cgf1002 440x272EMMANUEL GUIROU > Soudan (Mali)IMAGES COMMENTÉES 1906

SOUDAN (MALI)

En 1906, l’actuelle république du Mali correspondait à la colonie du Haut-Sénégal et Niger, créée en 1904, et le territoire militaire du Niger, régions qui s’étendent du fleuve Sénégal jusqu’aux berges occidentales du lac Tchad et étaient appelés par les Européens « Soudan français ». Fortier emploie cette dénomination dans les légendes des cartes postales. Nous avons emprunté le terme de Soudan pour nous référer à la région parcourue par le photographe.

Pendant les premières années du xxe siècle, un phénomène social de grande ampleur se produisait au Soudan : l’exode de personnes qui sortaient de leur condition d’esclaves et migraient vers leurs lieux d’origine61. Nombre d’entre elles avaient été capturées et vendues par Samori Touré en échange des armements et des chevaux dont il avait eu besoin pour combattre les Français. Comme elles étaient devenues captives depuis peu et que la mémoire d’une vie libre était encore présente chez elles, ces victimes de conflits furent les pionnières du mouvement qui se répandit dans la région. L’exode commença depuis le moment où, après la chute de Samori, les guerres de la conquête française se terminèrent. Au cours des années 1905 et 1906, l’ampleur de la migration était significative, des milliers d’esclaves quittant la région du Bélédougou et se dirigeant vers le sud.

À l’époque de la pénétration française au Soudan, on évalue le nombre de personnes réduites en esclavage à près de la moitié de la population62. Les administrateurs coloniaux étaient généralement complaisants à l’égard de l’esclavage, justifié par la peur que sa fin conduisît à l’agitation sociale et mît en cause l’approvisionnement, dans la mesure où les régions agricoles auraient cessé d’être cultivées. En outre, pour contrôler le territoire, les Français dépendaient des chefs locaux alliés, qui exploitaient le travail esclave63.

Les grands travaux entrepris par les Français, comme le chemin de fer et la construction du nouveau siège de l’administration à Bamako, ont ouvert des opportunités d’emplois salariés qui permettaient la survie des ex-captifs. Des possibilités d’activité autonome dans les villes encourageaient également ces personnes à quitter leur condition servile. La question de la persistance du travail esclave en Afrique de l’Ouest posait l’administration dans une situation d’impasse et, en décembre 1905, à la suggestion du gouverneur général Ernest Roume, un décret de la métropole rendit illégal le trafic et la mise en esclavage de personnes, bien que, de fait, l’esclavage ne fût pas aboli64. Au Soudan, comme l’explique Martin Klein, la libération fut davantage due à l’initiative des esclaves eux-mêmes qu’à la nouvelle législation65. Entre 1905 et 1913, on estime que près d’un million de personnes ont quitté la condition servile dans les colonies françaises d’Afrique de l’Ouest66.

Le passage de Fortier par le Soudan, en 1906, a été contemporain de l’exode de Banamba et nous pouvons parfois identifier sur les cartes postales que le photographe a éditées des signes du processus de transformation sociale en cours à ce moment-là. D’autres informations importantes sont présentes dans des éléments de la « Collection générale » réunis ici, tels que les photographies des villes historiques de Ségou, Tombouctou et Djenné, ainsi que les premières images publiées des falaises de Bandiagara. Des clichés précieux des rites du ciwara, des kórèdugaw et du Sanké mon, pratiqués jusqu’à aujourd’hui, rendent cette série une riche source pour étudier la région.

LA VALLÉE DU FLEUVE NIGER ET LES FALAISES DE BANDIAGARA

Cgf ii 0343 440x282

BAMAKO ET LE RITE CIWARA

Fortier est parti en bateau de Siguiri, dans l’ancienne Guinée française, puis a descendu le fleuve Niger en direction de la ville de Bamako, capitale de la colonie du Haut-Sénégal et Niger, à deux cent dix kilomètres en aval.

En 1906, Bamako se préparait à recevoir la structure administrative du gouvernement de la colonie du Haut-Sénégal et Niger. La ville de Kayes, sur les rives du fleuve Sénégal, avait été le siège de l’administration coloniale pendant de nombreuses années. Après des décennies de travaux de construction, le chemin de fer qui devait relier Kayes au fleuve Niger était arrivé en 1904 à Bamako, lieu choisi pour être la nouvelle capitale. Le palais du gouvernement, Koulouba, encore utilisé dans l’actuelle république du Mali, était construit au dénommé « Point F ». Environ six mille personnes vivaient à Bamako à l’époque, dont seulement cent soixante-deux étaient européennes67. Comme escale ou point d’arrivée, la destination le plus souvent choisie par les personnes qui quittaient la condition servile était Bamako, qui offrait des emplois.

La partie couverte du grand marché de Bamako a été construite par l’administration française et, en 1906, un loyer était payé par les commerçants locaux installés là de façon permanente68. Dans la partie extérieure, le grand mouvement était dû aux offres de marchandises et d’aliments en petites quantités faites par les vendeurs itinérants et par les femmes. Des nattes en paille tressée soutenues par des tiges servaient d’abri individuel aux marchands itinérants et, à côté de celles-ci, nous reconnaissons des supports en liane utilisés pour le transport de produits.

Les monticules blancs disposés sur le sol, que l’on mesurait à partir de récipients de différentes tailles, étaient probablement du sel de mer importé du Sénégal et de Marseille, lequel, de qualité inférieure et de conservation plus difficile, mais moins cher que le sel gemme venant du désert, pénétrait peu à peu les marchés du Soudan69

La plus grande partie de la population de Bamako était d’origine bambara, un sous-groupe des Malinké, et l’agriculture était pratiquée dans les environs de la ville. Différents rites des sociétés d’initiation, dont l’objectif est la socialisation, suivent le calendrier agricole. La fête photographiée par Fortier, un rituel de la société ciwara, a lieu avant les semences et à l’époque du sarclage des champs cultivés. La représentation d’antilopes, sculptées dans le bois qui forment des masques-cimier sur la tête des hommes qui dansent, est le symbole le plus connu du ciwara. Comme il existe de nombreux éléments sur les photographies de Fortier, ce qui rend difficile d’identifier chacun séparément, nous avons agrandi les cimiers-antilopes avant et pendant les danses. Ces images, peut-être les clichés les plus anciens de ce rituel, sont très intéressantes dans la mesure où elles donnent à voir le contexte dans lequel ces objets étaient utilisés. Aujourd’hui, vendues à l’unité et représentées graphiquement comme symboles de la république du Mali, les antilopes ciwara ont perdu beaucoup de leur signification originelle.

La présentation de la société ciwara se déroule toujours pendant la journée. Une partie du rite se passe dans les champs et une autre dans les villages. Dans la ville de Bamako, la cérémonie photographiée par Fortier a eu lieu dans un grand espace contigu à une construction coloniale, dont plusieurs clichés ont sans doute été pris de la terrasse. L’une des caractéristiques importantes de la société ciwara est son caractère ouvert : toute la communauté peut en effet participer aux rites. Femmes et enfants, qui sont normalement exclus des célébrations des sociétés d’initiation, participent au chœur entonné par l’assistance. Seuls les hommes, cependant, choisis parmi les meilleurs cultivateurs, peuvent porter les cimiers-antilopes. Ils dansent toujours en duo, l’un portant la représentation de l’antilope mâle (le soleil) et l’autre, celle de la femelle, avec un petit dans le dos (la terre), de l’union mythique desquels naît la fertilité des champs. Les danses du ciwara simulent le travail de la terre70. Sur les photographies sont visibles notamment les instruments musicaux, principalement les koras et les balafons, avec leurs immenses caisses de résonance faites à partir de calebasses. Tout comme sur les clichés des performances en Guinée, il est difficile de savoir si ces représentations étaient spontanées ou si elles avaient lieu sur commande pour un public européen. Il est intéressant de noter que, malgré les caractéristiques très spécifiques du rituel, Fortier, qui appréciait de fournir des informations précises dans les légendes de ses cartes postales, est peu précis dans ce cas.

NYAMINA, LE COTON ET LE KARITÉ

Jusqu’au milieu du xixe siècle Nyamina, sur la rive gauche du fleuve Niger, était un centre important de commerce et de production agricole. Les champs autour de la ville étaient cultivés par une main-d’œuvre esclave qui produisait du sorgo, du mil et du coton. Lors des périodes entre les récoltes, ces personnes se consacraient à l’activité textile, filant et tissant des pièces de coton. C’était également pendant la saison sèche que les peuples du désert arrivaient avec leurs troupeaux dans la région, à l’extrémité méridionale du parcours saisonnier de transhumance. Située au croisement des zones écologiques du désert et de la savane, baignée par la grande voie de communication qu’est le fleuve Niger, Nyamina était un point central du commerce de longue distance d’Afrique de l’Ouest. Pendant très longtemps dans la zone d’influence du royaume bambara de Ségou, la ville fut conquise par Omar Tall en 1860 et à partir de cette date, du fait des guerres successives, commença à perdre de son importance. Prise par les Français en 1890, Nyamina conservait encore en 1906 une partie de son dynamisme.

Une carte postale montre la coexistence des croyances islamiques et animistes dans ce lieu. La mosquée en adobe, avec son minaret élevé, a été construite aux abords des mares où vivaient des iguanes totémiques. Les « immenses trous » mentionnés dans la légende se situaient à l’endroit où les habitants de Nyamina tiraient la terre utilisée pour les constructions71.

L’activité du marché de Nyamina a été décrite en détail en 1863 par Eugène Mage, officier de marine et explorateur envoyé dans la région par Faidherbe pour établir des contacts avec El Hadj Omar Tall. Quoiqu’elle se réfère à une période très antérieure au passage de Fortier dans le lieu, le récit de Mage dialogue avec les clichés du photographe:

À Yamina [Nyamina], comme dans toutes les grandes villes, le marché se tient tous les jours ; mais il y a un jour par semaine de grand marché, et ce jour-là, de la campagne et souvent de fort loin, on voit affluer le monde et les provisions. Acheteurs et vendeurs viennent en foule. Nous avons eu le spectacle, à Yamina, d’un de ces jours de commerce, et en songeant que la ville est ruinée, que les caravanes n’y arrivent que de loin en loin, nous avons pu nous faire une idée de ce que c’était à l’époque où mille chameaux venaient décharger le sel de Tichit, tandis que des centaines d’ânes arrivaient de Bouré avec trois ou quatre cents porteurs, partis souvent de Sierra-Leone avec leurs charges sur la tête. Le marché est une grande place carrée autour de laquelle on a disposé, sans grande régularité, de petits hangars […]. Sous ces échoppes on voit un, deux et jusqu’à trois marchands assis sur des nattes, ayant devant eux, sur d’autres nattes ou pendus sur des cordes, les objets de leur commerce : sel, verroteries, étoffes, papier, soufre, pierres à fusil, anneaux de cuivre ou d’argent pour les oreilles, le nez, les doigts de pied ou de la main, colliers de ceinture, bandeaux de front tressés de petites perles, coton du pays tissé, depuis les étoffes les plus grossières jusqu’aux pagnes, boubous, burnous les plus fins. […] Un peu plus loin voici les raccommodeuses de calebasses fêlées ou percées par le fond72.

Sur la deuxième image du marché de Nyamina, nous pouvons voir différents tissus suspendus, connus comme les « pagnes de Ségou », produits dans la région. Un récit d’Émile Baillaud, publié en 1902, explique :

De Bamako à Mopti se trouve la région par excellence où l’on tisse le coton. Les tissus fabriqués dans cette partie du Niger portent le nom générique de couvertures et pagnes de Ségou, sans doute parce que Ségou est la ville qui est le plus en relation avec les divers marchés de l’intérieur. Mais cette ville n’a point le monopole de la confection de ces tissus, et c’est même le point du Niger où on en fabrique le moins. Il semble que ce soit plutôt la rive gauche du fleuve qui produit le plus de pagnes et de couvertures. Les lieux où se rencontre le plus grand nombre de métiers sont certainement Banamba, Nyamina et Sansanding. Ces tissus, dits de Ségou, sont tous teints à l’indigo. Le plus répandu est « la couverture de Ségou ». Le fond en est bleu et illustré par des bandes blanches. Un dessin qui est très souvent adopté est celui d’un damier à gros carreaux73.

Sur cette même photographie, deux femmes qui, retirant la matière des calebasses, préparent des boules avec leurs mains. La légende choisie par Fortier pour une autre carte de la série (CGF 1098) explique qu’il s’agit de vendeuses de « boules d’argile blanche (sorte de blanc d’Espagne) à l’usage des fileuses ». Le produit, cependant, ne provenait pas de l’argile. Charles Monteil, dans l’ouvrage Le Coton chez les Noirs, commente : « pour faciliter le mouvement du fil entre les doigts de la main droite, la fileuse nègre imprègne ces doigts d’une poudre blanche fabriquée avec des os calcinés, pulvérisés, puis agglomérés en petits pains, que l’on vend sur tous les marchés indigènes74 ».

Trois cartes postales décrient, comme l’annoncent les légendes, les étapes du « travail du coton indigène75 ». Il n’y a pas d’indication sur la ville où les photographies ont été prises mais, si nous prenons en compte les informations d’Émile Baillaud citées plus haut, nous pouvons supposer que les activités avaient lieu à Nyamina ou dans ses environs. Le groupe travaillait apparemment au même endroit, puisque nous pouvons voir les fils de chaîne des métiers à tisser à l’arrière-plan de l’image qui montre les fileuses. Ces clichés sont très intéressants, car non seulement ils mettent en évidence les techniques productives de la région, mais ils apportent également de nombreuses informations sur les relations sociales et les transformations en cours pendant le passage de Fortier par le Moyen-Niger.

La spécialisation et la complémentarité du travail féminin et du travail masculin font partie des caractéristiques de l’activité textile dans cette région d’Afrique de l’Ouest, toutefois, ce que nous voyons sur ces quatre photographies est plus que cela. Le nombre de personnes réunies dans l’atelier à ciel ouvert et l’organisation impliquée dans le processus indiquent qu’il s’agit d’une production à échelle commerciale, et non d’une activité domestique. Nous avons déjà mentionné le fait qu’au Soudan français, l’année 1906 a été marquée par le grand exode de personnes qui quittaient la condition servile et cherchaient de nouvelles possibilités de survie. Comme beaucoup de ces anciens esclaves maîtrisaient les techniques de confection de la fibre en tissu de coton, il est possible que les personnes représentées sur ces photographies aient fait partie du groupe.

Un passage de l’ouvrage Two Worlds of Cotton, de Richard Roberts, se réfère au processus historique alors en cours et appuie cette hypothèse :

De nombreux hommes et femmes libérés, qui lorsqu’ils étaient esclaves avaient appris à tisser et à teindre les tissus, se sont installés comme artisans et entrepreneurs autonomes. […] Dans la mesure où l’investissement initial pour le début de cette activité était relativement faible et où la demande de tissus de fabrication locale augmentait, d’ex-esclaves réussirent à survivre les premières années de façon indépendante. Pour répondre aux nouvelles possibilités économiques, les tisserands et les fileuses augmentèrent leurs activités. Les tisserands […] dépendaient de la productivité des fileuses. Le filage était l’un des goulots d’étranglement de la croissance de la production de tissus artisanaux76.

Il est intéressant de remarquer que dans tout le processus du « travail du coton indigène » photographié par Fortier, seuls les peignes à carder utilisés par les femmes ne sont pas des instruments de fabrication locale. Les peignes à carder européens, qui facilitaient énormément le travail et garantissaient l’augmentation de la productivité, faisaient partie des principales importations du Haut-Sénégal et Niger77. Nous voyons aussi les métiers à tisser simples et efficaces, en usage jusqu’à aujourd’hui dans la région, qui produisent les bandes de tissus, lesquelles, une fois cousues, se transforment en pagnes et vêtements. Au moment d’être retirées des métiers à tisser, ces bandes sont enroulées de façon à former des disques comme ceux que l’on aperçoit sur la tête de l’homme placé à gauche du groupe.

Fortier a inclus trois photographies illustrant le processus de préparation du beurre de karité dans la série « Collection générale ». De même que pour la transformation de la fibre de coton en tissu, la fabrication de ce produit demande un travail intense et peu d’investissement préalable en matériel : c’est d’abord la main-d’œuvre intensive qui compte. L’arbre qui produit la noix karité, de la famille des sapotacées, et baptisée initialement Butyrospermum Parkii en hommage à l’explorateur écossais Mungo Park, qui l’a décrite, est endémique dans la région géographique située dans l’ancien Soudan français, actuel Mali. Poussant dans certains endroits en groupe, ailleurs de façon éparse, elle fournit le beurre qui était alors, et est encore, utilisée dans l’alimentation et pour le soin du corps par des millions de personnes en Afrique de l’Ouest. Comme l’a observé E. Annet :

[l’arbre du karité] peut être considéré, dans cette partie de l’Afrique tropicale, comme l’équivalent de l’Olivier dans le Bassin méditerranéen. Cette comparaison suffit pour situer son importance […]. Il se complaît dans un climat à saisons bien délimitées et il semble que la période de repos que constitue pour la végétation la saison du vent sec de l’« Harmattan » lui soit nécessaire78.

Les mois que Fortier a passés au Soudan, probablement entre la mi-mai et le début du mois de juillet, correspondent à la période de la récolte du karité. Les fruits tombent des arbres quand ils sont mûrs et sont ramassés par les femmes. Le lieutenant-colonel Parfait-Louis Monteil, qui a voyagé de Saint-Louis du Sénégal à Tripoli, en Méditerranée, est passé en 1890 par la région de San, proche de la ville de Ségou, au sud de l’actuelle république du Mali, et a observé :

Le karité est très abondant et dans tous les villages on trouve des trous à noix et des fours. La préparation est la suivante : au moment de la cueillette, les indigènes mangent la pulpe sucrée du fruit et enfouissent les noix dans des trous, en les recouvrant de terre mouillée. Dans cet état la noix se conserve très longtemps sans se modifier beaucoup dans sa forme ; toutefois le beurre intérieur se resserre, se durcit et peut facilement être détaché de la coque. On met alors la noix dans un mortier et avec un pilon on décortique ; la coque est rejetée, puis le beurre est écrasé entre des pierres plates. Ce beurre écrasé est mis ensuite dans de grandes marmites en terre et celles-ci dans un grand four ; on laisse cuire quelques heures, puis on fait des pains que l’on entoure de feuilles et ainsi le beurre se garde pendant de longs mois79.

Du fait des caractéristiques propres à la production du beurre de karité, dans le cadre de laquelle le travail constitue la plus grande valeur investie, il est possible que, comme dans le cas du travail du coton, les anciens esclaves aient pu entreprendre des activités autonomes dans ce domaine.

SÉGOU

Ségou, ancienne capitale du royaume bambara fondée en 1712 par Mamari Coulibaly, se situe sur la rive droite du fleuve Niger. En 1861, la ville fut conquise par Omar Tall et, en 1890, par les Français. Au début du xxe siècle

Ru3pnw6acb0fqlj otavdbbje75twcrojlqad ba4nbe0u7 q6isabbtae9ceebe0cmcn52opynecblzz3ojyyk s600

YOUNGSTAR NEW MIXTAPE FUTURE

Par Le dimanche, 09 janvier 2022

Salut YOUNGSTAR New Mixtape bientôt j'espère prévu pour le 31 mars 2020 sur son précédent publication il vous a bien dit que le nouveau mixtape de youngstar rapstar trapstar est en route et qu'il est entrain de enregistrer sur le studio (I'AM THE BEST) et maintenant il a fini de faire l'enregistrement et qu'il vous lancerait les songs par tout les moyens sur le site www.reverbnation.com/youngstaryccb/songs et soyez prêt à découvrir les caractéristiques du nouveau genre de rap par youngstar le jeune talentueux dans cette mixtape il rap cette fois en trois langues seulement et les trois sont (englais et français et bambara) et il n'y a pas de dogon cette fois nous ne savons pas pourquoi mais il va falloir nous dire après la sortie du mixtape youngstar il est évident que dans la vie nous apprenons tout les jours et nous avançons tout les jours et par tout les moyens et ça sera la troisième mixtape de youngstar en 2020 quel talent incroyable pour les jours à venir si tu es un artiste il faut écouter et écrire tout ce qui ce qui se passe dans ta vie et celle de tes amies tes potes et pour la société aussi il tu aura toujours quelque chose à dire et le prouver ta parole dans la vie et le deviné aux autres sinon celui qui ne sais pas retenir des idées incroyable il ne peut pas rappé en freestyle pour faire apprécier les autres personnes.

Youngstar il ne faut jamais decourager 050133600 1574025039

EMMANUEL GUIROU RÉALISER

Par Le dimanche, 09 janvier 2022

BONJOUR MONSIEUR ET MADAME Bonjour Monsieur les visiteurs je suis très content de voir votre visite de temps en temps Je vais faire tout mon possibilité d'ajouter des nouvelles forme de bien vaillance sur le site lors des nouveaux produits et nouvelles travail YOUNGSTAR RAPSTAR je vous annonce que j'ai maintenant un nouveau mixtape du nom de (no words-2019) qui sera publié bientôt sur les sites Internet et venez découvrir cette nouvelle version de mixtape avec youngstar c'est toujours des nouvelles songs Bienvenue dans le site aussi avec tout le confort de votre confiance de visite Salut et bienvenue dans le site du géni professionnels Emmanuel guirou Alors je vous présente toutes les dernières songs de YOUNGSTAR 1 youngstar (rose girl) 2 youngstar (legend) 3 youngstar (pay me i work) 4 youngstar (je perd pour gagner) website search All youngstar j'ai maintenant des nouvelles songs disponible sur le site www.reverbnation.com/youngstaryccb/songs Products Media Pages SEARCH Remove Ads HOME YOUNGSTAR J'AI MAINTENANT DES NOUVELLES SONGS DISPONIBLE YOUNGSTAR NEW MIXTAPE SHORTLY (NO WORDS By Emyly Youngstar Guirou Thu, 28-Nov-2019, 21:49 TAGS: #youngstar YOUNGSTAR NEW MIXTAPE SHORTLY (NO WORDS) YOUNGSTAR RAPSTAR NEW MIXTAPE SHORTLY ( NO WORDS ) Je viens avec un nouveau mixtape du nom de ( no words ) qui sera bientôt disponible sur les sites Youngstaryccb new mixtape J'ai fais tout mon mieux pour que cette mixtape soit l'un des meilleurs mixtape en 2019 alors soyez toujours prêt à l'écoute de cette mixtape Dans cette mixtape vous aurez 4 titres de song de différent langues international je vous souhaite bonne chance pour avoir écouté cette mixtape.

Lewc yomdybutf9dplvawgzrqdidogzr7rsojso5hcqxthy1xjmfl5gzfcx0xwii0bfpy5epzlbs8f0rpivzdy4 s600

YOUNGSTAR RAPPEUR INTERNATIONAL

Par Le dimanche, 09 janvier 2022

DOGON ET FIÈRE JE SUIS DOGON je suis emmanuel guirou je viens du centre-nord du Mali sur la 8e régions du Mali je viens de banani au pays DOGON sur la falaise dans sous des collines commune de SANGHA cercle de BANDIAGARA région de MOPTI et république du Mali je suis né en 1993 je suis etudient et rappeur et fais le chômage aussi il ne faut jamais oublié qui tu es ou que tu soit qui que tu deviens dans ta vie moi je suis fière de celui que je suis dogon et fiere pour toujours merci. youngstar il ne faut jamais décourager DÉCOURAGER JAMAIS je nes jamais découragé de mon travail car tout est possible souvent dans la vie avant j'ai essayé de faire le rap ils mon dis que c'est nes pas facile d'être un rappeur que tu dois être intelligent et fort j'ai comme ça commencé a écouter le rap Américain et je m'apprenais avec eux dans la musique je télécharge des beats et je rappais sûr un jour j'ai eux un Android et j'ai trouvé des applications dedans qui modifie les musiques et vidéos alors ces comme ça que j'ai fais mon premier song avec une de bass très fort j'ai écouté le song ces pareil comme les autres alors je me suis mis a faire du song avec le téléphone Android et il a réalisé mo n rêve. strong boy est maintenant disponible partout dans le monde entier avec son mode de musique un peu différent des autres alors venez découvrir cette belle opportunité avec le grand rappeur venant du Mali en Afrique de l'ouest précisément au Mali dans la capitale Bamako youngstar rap Avec 4 languages different et comprehensive Youngstar je suis en train de faire des trucs de ouf dans mon studio pour vous faire plaisir à tout le monde si vous voulez être certain point de vue visiter moi à chaque instant et je vous propose beaucoup de choses à faire dans le future Je sais tout de où je viens et je sais tout de d'où je suis mais je sais rien de où je vais le rap me rend toujours meilleur et je suis toujours en hauteur de mon savoir si tu veux être un grand un jour alors écoute les grands d'aujourd'hui EMMANUEL GUIROU J'AI ÉTUDIÉ DE TOUT MON COEUR POUR ÊTRE UN PROFESSIONNEL AUJOURD'HUI JE SUIS L'UN DES GÉNIES D'AFRIQUE NE DÉCOUVRE JAMAIS TES ENNEMIS CAR LES ENNEMIS SONT DES IDÉES ENNEMIS moi mes ennemis non pas de chance a moi car il faut toujours apprendre a faire souvent des choses tout seul les ennemis que tu connais sont tous tes familles tes amies tes potes alors où sont les ennemis pas du tout il ya pas ennemis moi je les appeles les égoïstes.

Screenshot 20210925 211507

LE PAYS DOGON ET LA CULTURE

Par Le dimanche, 09 janvier 2022

Screenshot 20210925 211507La découverte d’un observatoire Dogon 

Le peuple Dogon du Mali est célèbre dans le monde entier pour la splendeur de ses masques, la beauté de son architecture, la richesse de son patrimoine social et culturel. En Europe occidentale, et notamment en France, la délicatesse de leur civilisation nous est connue en grande partie par le travail de deux ethnologues français, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen. Moins connu est l’article publié en 1950 par ces deux chercheurs où est relatée la connaissance de l’étoile Sirius par les Dogon. Cette publication a fait l’objet d’une vaste polémique car elle contient une énigme scientifique. Pour tenter de la résoudre, une expédition « ethno-astronomique » a été réalisée en 1998 dans la région de Sanga, en compagnie de Germaine Dieterlen. Les relevés réalisés en différents lieux ont pu démontrer l’existence de sites astronomiques, formés d’alignements, consacrés à l’observation de Sirius. L’existence de tels « observatoires » en Afrique restitue à ce continent sa place dans l’histoire de l’astronomie mondiale. Ces observatoires évoquent aussi un lien probable avec la science ancienne égyptienne, dans la droite ligne des travaux de Cheikh Anta Diop.

 

 

Germaine Dieterlen (1903-1999). Après avoir débuté ses travaux en 1935, la voyage de 1998 a constitué pour Germaine Dieterlen son ultime mission ethnologique et sa dernière visite chez les Dogon à l’âge de 95 ans, après plus de soixante ans d’études. Germaine Dieterlen est ici en discussion avec un de ses informateurs, Diamguno Dolo (au centre), lors de cette dernière mission.

 

Introduction

Scientifiquement, l’Afrique est censée être un désert. En consultant les meilleurs ouvrages d’histoire des sciences et les encyclopédies, pratiquement nulle part vous ne trouverez de références à un scientifique africain, à une découverte ou simplement à un fait de science africaine. Ceci fait partie de l’aveuglement constant de l’Europe occidentale, et de ses satellites culturels du continent nord-américain, et de leur obstination à nier tout apport scientifique autre que celui issu de la culture classique grecque. Quitte à oublier au passage des pans entiers des savoirs de l’humanité, ceux de l’Asie, de l’Amérique latine ou bien à se le réapproprier de façon éhontée. Ainsi l’imprimerie, inventée en Chine par Bi Sheng en 1050, réapparaît attribuée à Gutenberg au XVe siècle et c’est ainsi qu’on enseigne encore aujourd’hui l’histoire de cette invention fondamentale.

 

L’histoire scientifique du monde est donc réécrite au prix d’un mensonge culturel constant. Pour l’Afrique, le trop peu de textes et de découvertes archéologiques mises au jour rend encore plus facile cette falsification. Seuls des travaux pluridisciplinaires d’avant-garde comme ceux de Cheik Anta Diop[i] (analogue à l’énorme tâche réalisée par Joseph Needham [ii] pour la Chine) ont contribué à tirer le continent africain de l’oubli scientifique.

 

Parmi toutes les sciences, l’astronomie est certainement à la fois la plus universelle et la plus ancienne. Dans un immense continent comme l’Afrique, il est totalement impensable que des hommes n’aient pas entretenu, ici comme ailleurs, un inventif dialogue avec le ciel. Et pourtant très peu de traces existent. Dans une terre où la tradition orale a souvent pris le pas sur les textes et les écrits, ce sont les mythes, les récits, voire les espaces, les pierres qui peuvent nous livrer les clefs de connaissances anciennes ou plus récentes qui forment la base de la science africaine.

 

La difficulté est alors de réunir des compétences complémentaires pour interpréter des informations souvent disparates. Dans le monde de l’ethnologie, un article consacré au mythe de l’étoile Sirius chez les Dogon, publié en 1950 par deux chercheurs français, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen, dans le Journal des Africanistes [iii], a fait l’objet de nombreuses discussions souvent très polémiques [iv]. Dans le but d’évaluer les faits scientifiques sur lesquels pouvaient reposer le compte-rendu ethnologique, une mission « ethno-astronomique » a été réalisée en juillet 1998, dans le village de Sanga (Mali), en compagnie du cinéaste-ethnologue Jean Rouch et de l’ethnologue Germaine Dieterlen dont la présence s’est révélée indispensable [v]. Associant pour la première fois les apports de l’astronomie et de l’ethnologie, les relevés effectués sur place ont permis d’identifier un « observatoire Dogon », site consacré à l’observation de Sirius.

 

La connaissance ethnologique des Dogon

L’information la plus détaillée que nous avons aujourd’hui, en Europe occidentale, de la population aujourd’hui sédentaire des Dogon, occupant les falaises de Bandiagara, à l’extrême nord-est du Mali, nous vient de travaux ethnologiques menés à partir des années 1930. Leur « découverte » européenne est une conséquence de la mission Dakar-Djibouti, voyage d’exploration de l’Afrique d’Ouest en Est, organisé par l’ethnologue français Marcel Griaule et si bien relaté par l’écrivain Michel Leiris [vi]. Le passage à Bandiagara en pays Dogon allait déclencher chez Griaule une véritable passion pour cette population préservée, à l’écart de la boucle du Niger et des grandes routes de communication transafricaines, à laquelle il consacrera la majeure partie de son activité jusqu’à sa mort en 1956. Entouré de plusieurs collaboratrices dont Germaine Dieterlen dès 1935, il recueillera sur place lors de multiples missions, les éléments détaillés des mythes et de la cosmogonie Dogon, publié tout d’abord sous forme littéraire dans « Dieu d’eau » [vii] puis plus complètement dans « Masques Dogon » [viii] et enfin au travers du travail de synthèse poursuivie par G. Dieterlen avec « Le Renard Pâle » [ix].

 

Pour aussi imparfaite qu’ait été l’approche ethnologique européenne de cette époque (la mission Dakar-Djibouti contribua sans aucun doute à remplir le nouveau musée de l’Homme de trésors qui devraient un jour retourner dans leurs berceaux africains), l’état d’esprit de ces chercheurs était, pour la première fois, débarrassé du seul point de vue purement colonialiste. La richesse des savoirs Dogon que révélaient leurs études étaient si surprenante pour l’époque qu’elle déclencha d’ailleurs des attaques qui mettaient en doute l’honnêteté même de leurs sources [x].

 

A notre connaissance, l’article sur Sirius qu’ils publièrent en 1950 ne fit pas l’objet de polémique lors de sa publication, la portée astronomique ayant sans doute été sous-estimée. Dans ce travail, Griaule et Dieterlen rapportent la position centrale de l’étoile Sirius dans la cosmogonie Dogon. De par son nom « sigui tolo », l’étoile du Sigui, Sirius, apparaît tout d’abord en relation directe avec la cérémonie traditionnelle et fondatrice de la culture Dogon, le « sigui », fête rituelle célébrée tous les soixante ans pendant sept années consécutives à travers les différents villages de la falaise de Bandiagara. Parmi les autres termes relevés par Griaule-Dieterlen figurent aussi l’association de Sirius et du Soleil dans la création du monde Dogon qui rapporte : « Les hommes qui avaient vu briller « sigi tolo » pendant toute la descente (et au moment de l’impact) assistèrent alors au premier lever du soleil qui sortit à l’est et dès ce moment éclaira l’univers…. » [xi].

 

Mais l’aspect le plus spectaculaire de l’article réside dans la référence à un (ou deux) compagnons de l’étoile. Le premier identifié sous le nom de « po tolo », l’étoile du po (la graine de fonio) étant en particulier désigné comme l’origine de toute la création, « l’axe du monde entier » Astre dense, il est réputé « semblable à l’œuf du Monde, ..la source de toutes choses » [xii] .Comme nous le verrons, cet astre existe vraiment ; son existence a bien été démontrée par les astronomes mais il est totalement invisible à l’œil nu ! Ceci constitue l’énigme astronomique des Dogon. Comment était-il possible aux Dogon d’imaginer un astre inaccessible à l’observation à l’œil nu qu’ils pratiquaient ?

 

Griaule et Dieterlen n’étant pas spécialistes en astronomie, ils ne purent mesurer tout d’abord la portée de leur révélation. Selon le cinéaste et ethnologue, Jean Rouch, qui poursuivit avec G. Dieterlen le travail de Griaule en filmant notamment le dernier sigui Dogon de 1965-1972, l’énigme astronomique fut redécouverte à l’occasion d’une présentation de ses films aux USA, à laquelle assistait une jeune étudiante en cinéma dont le père était astrophysicien ! Cette énigme est ensuite évoquée par l’astronome anglais Mc Crea [xiii] dans un article sur les découvertes fortuites qui donna alors lieu à une floraison de publications discutant d’explications possibles [xiv]. La plus fréquemment reprise est celle d’un contact culturel avec un missionnaire qui aurait transmis aux Dogon une information scientifique moderne. Bien que plausible, cette interprétation se heurte néanmoins à de nombreuses difficultés. Tout l’édifice cosmogonique Dogon semble en effet tourner autour de Sirius et de son compagnon. Si des missions ont bien atteint le pays Dogon, ce ne fut que tardivement à une date très proche des premières enquêtes de Griaule. Il semble improbable que toute la cosmogonie Dogon ait pu être modifiée en un temps si court pour le simple bénéfice d’y inclure des informations modernes. La confusion sur cette question fut certainement portée à son comble par la publication en 1976 d’un livre à succès peu recommandable, quoique bien documenté, attribuant ces connaissances à un contact avec des … extraterrestres [xv].

 

La connaissance astronomique moderne de Sirius

Que cache l’étoile Sirius ? Sirius est l’étoile la plus brillante du ciel et, à ce titre, ne pouvait passer inaperçue pour l’ensemble des hommes depuis la nuit des temps. Pourtant, elle n’a pas une place centrale dans la plupart des cultures astronomiques, à l’exception remarquable de l’Egypte ancienne. Son statut y a été largement documenté [xvi]. Désignée sous le nom de « spdt » ou « sepdt » (la pointue), l’étoile est traditionnellement associée au début de l’année égyptienne. Son lever à l’horizon en même temps que le Soleil (ou lever héliaque), coïncidait approximativement avec la crue bénéfique du Nil. Le faible nombre de documents réellement utilisables [xvii] a nécessité de nombreuses « interpolations » pour établir que ce phénomène avait permis aux égyptiens, sans doute dès le XXe siècle avant le début de l’ère moderne, d’obtenir une valeur très précise de la durée de l’année, en réglant ainsi leur calendrier sur la sphère des étoiles plutôt que sur le Soleil ou la Lune [xviii].

 

La science moderne va révéler un autre aspect de Sirius [xix]. En 1844, le mathématicien prussien Friedrich Bessel, en étudiant le mouvement de Sirius, déduit la présence d’un autre corps perturbateur en orbite autour de l’étoile dont la masse devait être au moins égale à celle du Soleil [xx]. Cette étoile-compagnon était pourtant invisible à l’époque, c’était un « soleil noir ». Les premiers progrès des instruments astronomiques allaient lui donner raison. En 1862, l’opticien américain Alvan Clark, à l’aide d’une lunette de 47 cm de diamètre, la plus grande pour l’époque, fut le premier à apercevoir le compagnon de Sirius, une petite étoile dix mille fois plus faible que Sirius et située à très faible distance d’elle. Des mesures précises réalisées en 1914 par Walter Adams [xxi] allait prouver que la température de ce compagnon, nommé Sirius-B, était très élevée, environ 8500 degrés [xxii], bien supérieure à celle du Soleil et que sa taille était très petite, comparable à celle d’une planète comme Neptune [xxiii]. Ces étoiles baptisées « naines blanches » sont les restes d’étoiles dont le cœur s’est effondré pour former un petit astre d’abord très dense et chaud qui se refroidit ensuite lentement [xxiv].

 

Le compagnon de Sirius est la première et la plus proche des quelques milliers de naines blanches découvertes à ce jour [xxv]. L’étoile est invisible à l’œil nu, en premier lieu bien sûr car elle est noyée dans le halo de lumière diffusée par Sirius. Mais, même isolée dans le ciel, une étoile comme Sirius-B resterait inaccessible à l’œil nu car elle est environ dix fois plus faible que ce que l’œil humain peut percevoir [xxvi]. Sa trajectoire autour de Sirius-A est relativement bien connue, C’est une orbite que Sirius-B parcourt en 50 ans et 18 jours, selon une ellipse relativement aplatie (d’excentricité 0,59), de sorte que sa distance à Sirius-A varie selon les époques. Sur le ciel, l’écart entre les deux étoiles varie entre 3 et 12 secondes d’arc (1 seconde d’arc est l’équivalent d’une pièce de monnaie de 1 cm vue à 2000 mètres de distance) [xxvii]. L’œil humain ne peut distinguer que des angles supérieurs à environ 90 secondes d’arc donc les deux étoiles ne sont pas séparables à l’œil nu.

 

L’analogie entre certains aspects des récits Dogon et les découvertes scientifiques concernant Sirius n’a pas manqué d’être relevée. Parmi ceux-ci, l’existence même du compagnon, les caractéristiques de sa trajectoire, sa nature dense et son caractère de matière « essentielle » car la matière d’une naine blanche est effectivement le creuset où ont été fabriqués tous les éléments chimiques autre que l’hydrogène et l’hélium.

 

Soyons clair, la transmission directe d’informations scientifiques aux Dogon, totale ou partielle, est plausible, peut-être même probable, mais il n’y a aujourd’hui aucun moyen de le prouver. En revanche, même dans ce cas, le plus intéressant est l’intérêt éminent que les Dogon auraient apporté à ces connaissances, traduisant ainsi leurs interrogations astronomiques fondamentales. Plus que de vouloir identifier l’origine des informations, il semble donc plus essentiel de comprendre comment elles sont venues s’associer aux conceptions très élaborées qu’entretiennent les Dogon avec l’étoile Sirius et qui, elles, ne peuvent être mises en doute. C’est à l’issue de longues conversations sur ce sujet avec Germaine Dieterlen que nous avons décidé d’entreprendre une enquête très concrète sur le terrain, destinée à préciser les connaissances astronomiques Dogon.

 

L’observatoire de Sanga.

La mission a été conduite au Mali du 27 juillet au 8 août 1998 et elle associait les ethnologues Germaine Dieterlen et Jean Rouch, le réalisateur Jérôme Blumberg, les informateurs Dogon, Diamguno Dolo, Anagali Dolo, Pangalé Dolo et Ibrahim Guindo et l’auteur de cet article [xxviii].

 

 

 

 

Fig. 1- La grande arche de Polio-Kommo (Sanga-Mali)

La grande dalle de pierre a une hauteur de 6 à 8 m et une dimension d’environ 14 m de long et est orientée approximativement nord-sud. Le point d’observation depuis la table est marqué par un « trou d’homme », ouverture traversant le rocher, visible sur la photo de la face Est, obtenue en 1954 par l’ethnologue Germaine Dieterlen. La photographie de l’arche, prise en 1998, montre le basculement de la table de pierre probablement sous l’effet de la foudre, bouleversant la disposition antérieure. Le point d’observation est en partie comblé.

 

Un site en particulier a été relevé, le lieu-dit « polio-kommo » ou « caverne du traversement », situé à environ 4 km à l’ouest du village de Sanga. Ce site est organisé autour d’une gigantesque table de pierre d’une longueur approximative de 13 mètres, surplombant un ensemble de rochers (Figure 1). Les premières photos prises par G. Dieterlen en 1954, montrent la table intacte alors qu’actuellement elle est brisée en deux avec des traces caractéristiques de foudre. Sous la table, approximativement au milieu, était ménagé, un trou où un homme pouvait se glisser, aujourd’hui comblé par l’effondrement. Ce site est considéré par les Dogon de Sanga comme le lieu symbolique où l’arche (ou le panier) transportant les premiers ancêtres s’est posée sur la Terre dans la genèse Dogon. A côté de la table, qui symbolise l’arche, sont disposés, au sud, quatre rochers figurant les quatre ancêtres à l’origine des quatre grandes familles Dogon, les Arou, Dyon, Ono et Donmo. Enfin, à l’est de la table, se trouvent deux rochers séparés d’environ 20 m et qui sont désignés comme le rocher du Soleil (coté Nord-Est) et de Sirius (côté Sud-Est) [xxix], respectivement à 43 m et 29m de la table (Figure 2).

 

 

Fig. 2 – Le relevé du site de Polio-Kommo – Relevé général du site montrant l’orientation et la disposition de l’arche et des deux rochers du Soleil (au nord-est) et de Sirius (au sud-est). Vue depuis le point d’observation de l’arche, la direction géographique exacte des extrémités des rochers est de 74° (Soleil) et 110° (Sirius). Ces directions coïncident assez exactement avec la direction d’apparition du Soleil (71°) et de Sirius (107°), à l’époque de l’année de leurs levers presque simultanés (lever héliaque).

 

 

 

L’enquête ethnologique, recueillie auprès des premiers informateurs de Griaule et Dieterlen, montre l’importance de Sirius. Selon la cosmogonie Dogon, lors de la création du monde : « Après le Nommo, tous les êtres qui se trouvaient sur l’arche descendirent à leur tour sur la Terre. Lorsqu’elle fut vidée (de son contenu) Amma fit remonter au ciel la chaîne qui la maintenait puis il « referma » le ciel. Les hommes qui avaient vu briller « sigi tolo » pendant toute la descente (et au moment de l’impact) assistèrent alors au premier lever du soleil qui sortit à l’est et qui dès ce moment éclaira l’univers…. »[xxx] et le Soleil y est directement associé avec Sirius car « …on dit » sigi tolo et le Soleil sont descendus au milieu de la nuit, sigi tolo a montré le chemin, le Soleil après s’est levé« [xxxi].

 

Cette association Soleil-Sirius suggère très fortement le phénomène dit du lever « héliaque » (de helios=soleil, lever avec le Soleil). Ce terme désigne le moment où une étoile et le Soleil se lèvent ensemble sur l’horizon Est, au lever du jour. Du fait du mouvement saisonnier du Soleil à travers les étoiles, cette conjonction intervient une seule fois dans l’année, à une date précise, dépendant du lieu et des coordonnées de l’étoile. A cette date, l’étoile est aperçue fugitivement juste avant le lever du Soleil, puis de jour en jour, le Soleil se déplaçant avec la saison, l’étoile est visible de plus en plus longtemps. Le moment exact du lever héliaque, est difficile à déterminer, il dépend de la luminosité de l’étoile, des positions relatives étoile-Soleil et des conditions d’observations, un problème analogue à la première visibilité du croissant lunaire qui détermine en Islam le début et la fin du jeûne du mois de Ramadan. L’étoile ne sera réellement visible que lorsqu’elle se lève légèrement avant le Soleil pour ne pas être noyée dans la lumière du jour. L’observation est bien sûr plus aisée pour l’étoile la plus brillante du ciel et c’est pour cette raison que les anciens égyptiens avaient choisi le lever héliaque de Sirius pour mesurer leur année. Le retour de cette conjonction marque en effet très précisément l’écoulement d’une année entière.

 

 

 

L’ensemble du site a été relevé par arpentage et à l’aide d’un compas de poche (avec des précisions de l’ordre de 0,3 m sur les distances et de 1° sur les angles calculés). Sur le plan du site ont été en particulier mesurées les directions azimutales des deux rochers, à partir du point d’observation du trou d’homme, indiqué par les Dogon. Mesurées à partir de ce point, la pointe extrême Nord du rocher Soleil est situé à 74 degrés (azimut compté dans le sens direct à partir du Nord) et la pointe extrême sud de celui de Sirius à 110 degrés (Figure 2). Le déplacement du point d’observation du centre aux extrémités de la table entraînerait une variation maximale d’environ 6 degrés pour ces directions.

 

Ces directions ont pu être comparées aisément aux directions calculées du Soleil et de Sirius lors du lever héliaque à Sanga (Figure 3). La date du lever observable dépend de l’écart entre la hauteur sur l’horizon (élévation) de Sirius et du Soleil, imposé pour que l’étoile soit visible. A Sanga ( 3°19′ W / 14°32′ N), il est situé entre le 12 juillet, date à laquelle le Soleil et Sirius sont tous les deux à l’horizon et le 1er août où il existe déjà un écart de 18° entre l’élévation de Sirius et du Soleil. Entre les deux dates, l’angle azimutal du Soleil varie de 67 à 71° tandis que celui de Sirius est constant de 107°. L’observation au niveau de l’horizon étant pratiquement impossible, les directions ont été également évaluées pour une position où les deux astres ont une élévation de 5° et elles correspondent à 73 et 109 degrés pour Soleil et Sirius [xxxii].

 

 

Fig. 3 – L’observatoire du lever héliaque

La vue de l’horizon depuis la grande arche de pierre. Face à elle, vers l’Est, deux rochers symbolisent le Soleil (à gauche) et Sirius (à droite), situés respectivement à 43 et 29 mètres. Sur le schéma, les variations de la position à l’horion du Soleil autour de la date du lever héliaque sont indiquées en gris, ainsi que la variation de l’angle de Sirius au cours de son lever. L’extrémité des rochers indique bien la position des astres lors du lever héliaque.

 

 

 

L’extrême bonne concordance entre ces positions et les directions des rochers démontre clairement que la disposition du terrain était pratiquement utilisée par les Dogon pour déterminer et observer le moment du lever héliaque de Sirius. La coïncidence devient plus claire lorsque l’on compare avec l’amplitude saisonnière de l’azimut du Soleil à son lever qui varie de 65° (au solstice d’hiver) à 114° (au solstice d’été). Curieusement néanmoins, le lever héliaque de Sirius à Sanga ne représente pas une époque particulièrement favorable dans l’année Dogon. En raison du climat de la région de Bandiagara, il est situé au milieu de la saison des pluies et est de ce fait difficile à observer. La date de notre mission avait été choisie pour coïncider avec le meilleur intervalle de visibilité. Malgré un ciel parfois nuageux, nous avons pu néanmoins facilement vérifier visuellement et sur plusieurs nuits le phénomène, coïncidant avec l’alignement des rochers [xxxiii].

 

Il est très difficile de dire si le site a été aménagé ou simplement utilisé dans sa configuration particulière. La table, de par sa masse, n’a probablement pas pu être érigée à main d’homme mais les rochers auraient pu être déplacés. Il s’agit de façon évidente d’une ré-appropriation au moins partielle du terrain et d’une configuration utilisé pour « mémoriser » une date et une configuration astronomique. En ceci, le dispositif peut être considéré comme un véritable « observatoire », en tout point analogue, quoique moins monumental, au célèbre site de Stonehenge (Wiltshire), dans le Sud de l’Angleterre où les alignements permettent de déterminer la date du solstice d’été.

 

Les premiers informateurs de G. Dieterlen ayant disparus, il est très difficile d’obtenir des informations complémentaires sur le rôle de ce lieu qui aujourd’hui semble plutôt délaissé. Servait-il ou a-t-il servi à la détermination du début de la cérémonie du Sigui ? Etait-il utile dans le compte des années qui sépare deux cérémonies ? Ou servait-il simplement comme en Egypte ancienne à la détermination de la durée de l’année et du calendrier ? Nous sommes obligés de laisser ces questions aux ethnologues qui voudront bien poursuivre l’œuvre de G. Dieterlen. On sait aujourd’hui que les Dogon ont occupé la falaise depuis probablement le XIIIe siècle, il est possible que progressivement certaines pratiques aient été perdues ou aient évoluées. Il est néanmoins certain que la préoccupation du lever héliaque traduit l’existence d’un savoir astronomique évolué qui, cette fois et de façon indiscutable, n’a aucun rapport avec une influence récente.

 

Conclusion

Bien au-delà de toutes nos attentes initiales, les relevés astronomiques simples qui ont pu être effectués dans des lieux désignés par les Dogon comme consacrés à Sirius ont apporté des résultats concrets, objectifs et précis qui permettent de tirer plusieurs conclusions.

 

Tout d’abord, ils viennent confirmer la qualité et la rigueur du travail des ethnologues M. Griaule et G. Dieterlen et le soin qu’ils ont apporté au recueil des informations. Aucune information n’avait été « interprétée » voire « inventée » comme ont pu le suggérer certains contradicteurs. Puisque ces deux chercheurs d’exception sont aujourd’hui disparus, il convient ainsi de leur rendre hommage et faire taire des critiques injustes à leur égard.

 

Ces premiers relevés n’ont pas permis bien sûr d’apporter une réponse définitive sur l’origine des informations concernant le (ou les) compagnons de Sirius. L’énigme des compagnons reste non résolue même si certaines pistes peuvent être considérées. Dans une série de travaux récents, l’hypothèse d’un deuxième compagnon a été discutée pour rendre compte d’un possible changement de couleur de Sirius il y a environ 2000 ans [xxxiv]. L’interaction d’une petite étoile aurait ainsi perturbé l’atmosphère de Sirius. Ce phénomène, parfaitement perceptible à l’œil, nu aurait pu indirectement suggérer la présence de compagnon autour de l’étoile brillante. Un tel changement brutal d’aspect peut en effet être interprété par un observateur comme le résultat d’une cause extérieure, par exemple l’existence d’une deuxième étoile perturbatrice mais invisible. Les Dogon ont-ils eu connaissance de ce phénomène ancien par les astronomes égyptiens de la même façon qu’ils semblent avoir hérité d’eux la préoccupation du lever héliaque ? Comme l’a souligné le chercheur Cheikh Anta Diop, les connaissances de l’Egypte antique se sont certainement diffusé à travers l’Afrique grâce notamment à des voies de communication plus aisées dans le passé en raison d’un climat moins désertique. Il se peut que cette tradition astronomique ait été ainsi transmise aux Dogon, constituant la trame ayant donné naissance du mythe de « po tolo ». Malheureusement, nous sommes là bien sûr dans d’hypothétiques spéculations dont il sera bien difficile d’apporter des preuves.

 

Du moins, la découverte de l’observatoire Dogon replace maintenant ces connaissances dans un univers Dogon où la préoccupation de Sirius était tout autant d’ordre scientifique que d’ordre symbolique. Les Dogon observaient bien Sirius et pour cela ils avaient construit un observatoire. De façon plus fondamentale, en association avec les mythes poétiques et fondateurs révélés par l’ethnologie, ils mettent en lumière, que cette préoccupation astronomique n’est très probablement que l’extrémité émergée d’un savoir beaucoup plus complet dont la teneur exacte n’est malheureusement pas connue mais qui semble avoir une parenté évidente avec les préoccupations des anciens Egyptiens.

 

Avec l’existence de l’observatoire de Sanga, le désert scientifique africain, vient donc de voir fleurir une fleur parmi tant d’autres à découvrir. Il donne ainsi raison à Check Anta Diop qui soulignait « Combien est impropre, quant au fond, la notion, si souvent ressassée, d’importation d’idéologies étrangères en Afrique : elle découle d’une parfaite ignorance du passé africain. Autant la technologie et la science modernes viennent d’Europe, autant, dans l’antiquité, le savoir universel coulait de la vallée du Nil vers le reste du monde, et en particulier vers la Grèce, qui servira de maillon intermédiaire. Par conséquent, aucune pensée, aucune idéologie n’est, par essence, étrangère à l’Afrique, qui fut la terre de leur enfantement. » [xxxv]

 

Existe-t-il d’autres sites similaires en Afrique ? C’est sans doute principalement aux Africains qu’incombe cette recherche du passé scientifique de l’Afrique. Eux seuls aujourd’hui, bien mieux que les « ethnologues » d’hier, ont les moyens de rapprocher témoignages oraux, coutumes locales et sites particuliers qui pourraient révéler à l’humanité une face de son savoir encore ignorée. Faire parler les hommes, faire parler les pierres pour que les premières bases du savoir humain puissent enfin être reconstituées totalement.

 

Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Département d’Astrophysique, CEA, France

 

Cet article est adapté de la publication « L’observation de l’étoile Sirius par les Dogon » paru dans la revue ANKH, Revue d’Egyptologie et des Civilisations Africaines n°10/11, pp. 144-163 (2001-2002) http://ankhonline.com/ (avec l‘aimable autorisation de la revue).

220px moisesfocus 15

PRÉSENTATION DOGON

Par Le dimanche, 09 janvier 2022

PRÉSENTATION PAR EMMANUEL GUIROU

Picsart 09 19 11 54 46 1

Les Dogon sont un peuple du Mali, en Afrique de l'Ouest. Leur population totale au Mali est estimée à 1 200 000 personnes[1]. Ils occupent la région, nommée Pays Dogon, qui s'étend de la falaise de Bandiagara jusqu'au sud-ouest de la boucle du Niger. Quelques Dogon sont installés dans le nord du Burkina Faso, d'autres sont installés en Côte d'Ivoire.

Les Dogon sont avant tout des cultivateurs (essentiellement du mil) et des forgerons. Ils sont réputés pour leur cosmogonie et leurs sculptures. Leur langue parlée est le dogon, qui regroupe plusieurs dialectes. Il existe aussi une langue secrète, le sigi so, langue réservée à la société des masques. Les Dogon sont liés avec l’ethnie des Bozo par la « parenté à plaisanterie » (appelée sinankunya au Mali). Dogon et Bozo se moquent réciproquement, mais parallèlement, se doivent mutuelle assistance.

HISTOIRE

Selon leur tradition orale, les Dogon seraient partis du Mandé, région située au sud-ouest du Mali, entre le xie siècle et le xiiie siècle[2] et auraient immigré vers les montagnes. Deux explications ont été avancées pour justifier ce départ de leur région d'origine : pour éviter l'islamisation ou une querelle lignagère[3] la première raison ayant peut-être entraîné la seconde[4]. Ils se seraient installés à Kani Bozon avant de se disperser sur trois sites que sont la Falaise de Bandiagara (site mis en 2003 sur la liste mondiale du patrimoine de l'UNESCO), le plateau (région de Sangha) et la plaine[3]. Leur installation sur le site de Sangha (ou Sanga) daterait des xive et xve siècle. Cette falaise était alors habitée par les Tellem (qui signifie "nous les trouvâmes sur place")[5], portant aussi le nom de Kurumba. D'après les Dogon, les Bana ont précédé les Tellem (il s'agirait des Toloy). Même s'ils ont longtemps subi la domination des divers peuples ayant créé de grands empires ou royaumes, les Dogon ont toujours su conserver leur indépendance à cause de la difficulté d'accès à leurs territoires montagneux isolés. Les Dogon luttèrent farouchement contre les Mossis à l'époque de l'empire sonhrai, puis contre les Peuls à partir du xviie siècle. Les Dogon et les Soninkés sont très liés, les Dogon étaient parfois influencés culturellement et linguistiquement par les Soninkés dont certains se sont mélangés aux Dogon lors de leur grande dispersion après la chute de l'empire du Ghana.

Le peuple Dogon a été pour la première fois étudié par l'explorateur Louis Desplagnes (1871 - 1914), un lieutenant de l'armée coloniale française. Contrairement aux us coloniaux, Desplagnes se montre très respectueux des coutumes et traditions dogons, refusant en particulier de s'emparer des objets qui ne lui sont pas donnés ou échangés de bon gré. Il vit au contact de la population en 1904 et 1905. Il rapporte en Europe les premiers éléments détaillés sur la vie du peuple Dogon[6].

LA RELIGION

130px dogon sculpture louvre 70 1999 9 2

culpture dogon en bois, probablement une figure ancestrale, xviie – xviiie siècle, Pavillon des Sessions, musée du Louvre

Originellement, ils sont animistes et auraient fui le Mandé parce qu'ils refusaient d'embrasser l’islam (les guerriers peuls les appelaient les « Habés » — païens). Actuellement ils sont pour certains musulmans et une minorité est chrétienne.

Animisme dogon Modifier

La religion animiste des Dogon (en) se fonde, outre le culte voué au Dieu créateur Amma ou Amba, sur le culte des ancêtres. Cet animisme prend quatre formes 

le culte du lébé,

le culte du Binou,

le culte des âmes,

l'institution des masques (société Awa)[7].

Cosmogonie dogon Modifier

Marcel Griaule, ethnologue a étudié les Dogon. En 1946, il a eu des entretiens avec Ogotemmêli[8], un ancien chasseur devenu aveugle à la suite d'un accident et ayant mis à profit l'inactivité due à son handicap pour approfondir ses connaissances traditionnelles. À partir de ces entretiens, il a publié plusieurs livres, dont le célèbre Dieu d'eau sur la cosmogonie dogon.

Les Dogon croient en un dieu unique, Amma. Il créa la terre et en fit son épouse qui lui donna un fils, Yurugu ou le « Renard pâle »[9]. C’était un être imparfait qui ne connaissait que la première parole, la langue secrète sigi so. La terre donna ensuite à Amma un couple d'enfants jumeaux appelés Nommo. Ceux-ci étaient à la fois mâle et femelle. Maîtres de la parole, ils l’enseignèrent aux huit premiers ancêtres des hommes, quatre couples de jumeaux, nés d'un couple façonné dans l'argile par Amma.

La légende de Sirius Modifier

C'est à Robert K. G. Temple, auteur lié aux mouvements ésotériques, que nous devons la description courante de la cosmogonie dogon dans son ouvrage The Sirius Mystery (1976)[10] : dans cet ouvrage, il n'hésite pas à affirmer que les Dogon tiennent leur savoir ancestral des suites de la visite chez eux d'extraterrestres amphibiens venus de Sirius.

Une équipe conduite par un ethnologue belge, Walter Van Beek passa une dizaine d'années chez les Dogon à partir de 1991. Il conclut n'avoir trouvé aucune trace d'une tradition autour de Sirius dans la cosmogonie dogon, contrairement aux écrits de Marcel Griaule et Robert K. G. Temple[11].

Il est aujourd'hui admis que ce mythe de Sirius B, ainsi que d'autres faits astronomiques non observables à l'œil nu que la cosmogonie dogon aurait intégrés, tels que les quatre plus grosses lunes de Jupiter[12] ou bien les anneaux de Saturne[12], sont très probablement un cas de "contamination culturelle", et que ces connaissances ne seraient entrées dans la culture dogon que lors de contacts récents avec des Occidentaux.

LA CULTURE DOGON

La majorité des Dogon pratiquent une religion animiste incluant l'esprit ancestral Nommo, avec ses festivals et une mythologie dans lesquels Sirius joue une part importante. Une minorité significative des Dogon s'est convertie à l'islam et quelques autres au christianisme[16].

Les Dogon tracent leur ascendance par un système patrilinéaire. Chaque communauté, ou chaque famille au sens large, est dirigée par un patriarche. Ce chef est l'aîné survivant de l'ancêtre de la branche locale de la famille. Selon la base de données NECEP[17], dans ce système patrilinéaire, des mariages polygames avec jusqu'à quatre épouses peuvent se produire.

La plupart des hommes, cependant, n'a qu'une seule épouse et il est rare qu'un homme ait plus de deux épouses. Selon les us, les épouses n'intègrent le foyer marital qu'après la naissance de leur premier enfant. Les femmes peuvent quitter leur mari peu après le mariage, avant la naissance de leur premier enfant. Après un accouchement, le divorce est rare et pris très aux sérieux, exigeant la participation de tout le village. Une famille au sens large peut compter jusqu'à cent personnes et s'appelle le guinna.

Les Dogon recherchent fortement l'harmonie, ce qui se traduit dans plusieurs de leurs rites. Par exemple, dans un de leurs rituels les plus importants, les femmes félicitent les hommes, les hommes remercient les femmes, les jeunes expriment leurs appréciations envers les vieux et les vieux identifient les contributions des jeunes. Un autre exemple est la coutume des salutations raffinées toutes les fois qu'un Dogon en rencontre un autre. Cette coutume est répétée à plusieurs reprises, dans tout le village de Dogon, toute la journée. Au cours de ces salutations formelles, la personne entrant répond à une série de questions au sujet de toute sa famille, posée par la personne qui était déjà là. Invariablement, la réponse est Sewa, ce qui signifie que ça va bien. Puis le Dogon entrant répète le rituel, demandant au résidant comment va sa famille entière. En raison de la répétition du terme sewa dans tout village Dogon, les peuples voisins les ont surnommés les personnes de sewa.

Les Dogon sont des agriculteurs et cultivent le millet perlé, le sorgho et le riz, ainsi que l'oignon, le tabac, les arachides et quelques autres légumes. Marcel Griaule a encouragé la construction d'un barrage près de Sangha et a incité la culture des oignons. L'économie de la région de Sangha a doublé depuis lors et ses oignons sont vendus jusque sur le marché de Bamako et même de la Côte d'Ivoire. Les Dogon élèvent également des moutons, des chèvres et des poulets. Le grain est stocké dans les greniers.

Société et rites religieuxModifier

Le toguna du village de Endé au pays Dogon.

Pilier dogon soutenant jadis le « vestibule » (salle du Conseil) de la chefferie de Bankass.

TogunaModifier

La shônan, communément appelée toguna (ou « case à palabres »), est une construction présente dans chaque village, sous laquelle les hommes du village, et plus particulièrement les anciens, se réunissent pour parler des affaires communes. Sa taille basse est conçue pour préserver l'ombre et la fraîcheur du lieu de réunion. Selon une explication plus récente inventée par les guides dogons, la hauteur restreinte de la toguna obligerait les hommes à s’asseoir et interdirait l’emportement (puisqu'en se levant brusquement, on se cogne le crâne)[18]. La toguna est constituée de huit piliers en bois sur lesquels reposent jusqu'à huit couches de chaume. Le nombre 8 fait référence au nombre des premiers ancêtres dogons. Des symboles dogons sont sculptés sur les piliers.

Rite funéraireModifier

Article détaillé : rites funéraires dogons.

Le rite funéraire se déroule en trois temps :

Lors du décès, un enterrement est organisé. Le corps du défunt est lavé avant d'être déposé à l'air libre dans les failles des falaises qui servent de cimetière. Son âme reste dans le village.

Quelques mois plus tard, sont organisées des funérailles qui permettent à la famille et aux proches de rendre un hommage au défunt. Son âme continue d’errer dans les alentours.

Le troisième temps est le dama. Cette cérémonie est collective et concerne toutes les personnes décédées au cours des années précédentes. Les âmes sont appelées à rejoindre les ancêtres. Au cours de la cérémonie qui peut durer trois jours, les différents masques sont sortis, défilent et dansent dans le village. Cette cérémonie marque la levée du deuil.

Cérémonies du SiguiModifier

Les cérémonies du Sigui sont un important rituel de régénération. Elles commémorent la révélation de la parole orale aux hommes, ainsi que la mort et les funérailles du premier hogonJean Rouch a réalisé plusieurs films lors des dernières fêtes entre 1967 et 1974.

Société des masquesModifier

La société Awa (société des masques) dirige les danses masquées organisées lors des différentes cérémonies. La société comprend tous les hommes. Les garçons y entrent après la circoncision. Les femmes ne sont pas admises dans cette société, sauf celles nées l'année du Sigui.

HogonModifier

Coupe de Hogon (ogo banya, xviiie siècle), servant notamment lors de la cérémonie d'intronisation du Hogon, musée du quai Branly, Paris.

Le hogon est le chef religieux du village dogon. Il est le prêtre du culte du lébé (Lébé Seru est le premier ancêtre dogon qui, enterré au pays du Mandé, ressuscita sous forme du renard). Chef spirituel du village, il est élu parmi les hommes les plus âgés des familles du village.

Après son élection il doit suivre six mois de réclusion, pendant lesquels il ne lui est permis ni de raser ni de se laver. Il porte des vêtements blancs et personne n'est autorisé à le toucher. Ses repas, préparés par des jeunes filles impubères, lui sont apportés dans des coupes particulières, les ogo banya. Il reçoit ces coupes de son prédécesseur ou au cours de sa cérémonie d'intronisation[19].

Après son initiation, il portera un bonnet rouge. Il a un brassard avec un coquillage sacré qui symbolise sa fonction. Le Hogon doit vivre seul dans sa maison. Les Dogon croient que le serpent sacré Lébé vient pendant la nuit pour purifier le hogon et lui communiquer la sagesse. Certains interdits lui sont prescrits. Il n’a plus le droit d’avoir un contact physique avec personne, il ne doit plus sortir de sa maison...

Jacques Chirac a été fait "sage Hogon" stade suprême de la sagesse chez les Dogon lors d'un voyage officiel au Mali et au Niger en 2003[20].

Castes et organisation de la sociétéModifier

La société dogon est patrilinéaire, mais la famille maternelle l'emporte sur les enfants. En effet, tout Dogon de retour au pays doit obligatoirement passer dans sa famille maternelle avant de rendre visite à ses parents paternels. Les descendants d’un ancêtre commun font partie d’une ginna qui regroupe tous les adultes hommes, leurs femmes et leurs enfants. La ginna inclut également les maisons de famille et les champs leur appartenant. Le chef, le ginna bana, est l’homme le plus âgé.

Les forgerons sont endogames. Les hossobé sont les bannis, les impurs. Deviennent hossobé tous ceux qui ont trahi leur clan d'appartenance. Les jeunes gens se retrouvent dans les classes d'âge, chaque classe construisant sa maison toguna. Ils s'y retrouvent, le plus souvent la nuit, pour pratiquer leurs rites, les festivités.

ArchitectureModifier

L'architecture dogon est spécifique. La plupart des villages sont implantés dans la falaise et accessibles par des chemins escarpés qui empruntent les failles du plateau ou par des chemins tout à fait accessibles.

La case traditionnelle est organisée autour d'une cour, chaque femme ayant son grenier auquel le mari n'a pas accès. Le grenier du mari sert à conserver le mil, le grenier des femmes sert, lui, à conserver les condiments et différents objets. Les greniers sont clairement identifiables par leur toiture en seko (paille), celui du mari étant en général, le plus important. Il existe différentes sortes de greniers (appelés gôh) d'architecture spécifique, et ayant une attribution et une symbolique particulière :

le gôh Karï, divisé en trois parties, est obligatoirement la propriété d'un homme.

le gôh Nân, plus grand, qui peut appartenir à un homme ou une femme, est construit sur deux étages, et divisé en quatre compartiments par étage. Il sert à la conservation des céréales (mil, sorgho, fonio). Il sert aussi de coffre fort et renferme alors des objets précieux, comme les bijoux et vêtements de fête.

le gôh Anan, qui est le plus grand et fait d'un seul bloc, est sous la responsabilité du chef de lignage. Il renferme les récoltes des champs collectifs (Anan signifiant village). Il est descellé uniquement lors de sécheresses, ou pour la cérémonie du Dama.

le gôh Pôron, un grenier castré, est sous la responsabilité du chef de lignage. Il présente un petit muret central.

Musique et dansesModifier

La musique dogon est étroitement associée aux différents rites : mariages, funérailles, etc.

Danseurs sur échasses à Sangha - Mali.

Très codifiées, les danses dogons expriment la formation du monde, l'organisation du système solaire, le culte des divinités ou les mystères de la mort. La plus spectaculaire s'exécute sur des échasses appelées "touterelles".

La table du renardModifier

La "table" sert d'instrument de divination. La personne qui a des problèmes va trouver le "devin" pour qu'il lui prédise l'avenir ou lui donne quelques conseils. À l'écart du village, le devin, à la suite des explications du client, trace un grand rectangle divisé en plusieurs cases, dont chacune reçoit différents signes et petits bâtons plantés dans le sol. Ensuite, le devin demande au client de lancer sur cette "table" une poignée de cacahuètes, puis tous deux quittent les lieux jusqu'au lendemain matin. Pendant la nuit, un renard (ou chacal) vient manger les cacahuètes en piétinant la "table". Le matin, le devin revient avec son client, et interprète les traces laissées par le renard et, en fonction de celles-ci et des bâtons renversés, lui prédit l'avenir.

LA MODE DE VIE DES DOGON

Les Dogon sont avant tout des cultivateurs de petit mil, de sorgo et de riz, ainsi que d'oignons et de quelques autres légumes peu exigeants en eau. Le mil, qu'ils entreposent dans des greniers, est la base de leur alimentation, mais la culture de l'oignon (qui représente près d'un tiers des surfaces cultivables de la falaise) est essentielle à leur économie, puisqu'ils sont exportés dans les villes des alentours et servent de monnaie d'échange avec les autres ethnies (par exemple pour l'achat de poissons aux Bozos). Ils élèvent aussi du petit bétail, surtout des moutons et des poulets. Les bovins et les ovins sont confiés aux Peuls vivant plus bas, en plaine. Les Dogon pratiquent aussi l'apiculture.

Séchage des boulettes d'oignon sur la falaise de Bandiagara.

 

Grenier à grain.

 

Village de Banani, la Toguna est visible au centre de l'image.

 

Table du renard (près de Sangha)

 

Village dogon construit au flanc de la falaise.

Traditionnellement les Dogon sont aussi des forgerons réputés. Une étude récente[21] a mis en évidence la production de fer et d'outils en fer forgé du temps des Tellems au vie siècle, production devenue quasi industrielle du xive au xixe siècle à l'époque dogon. Il apparaît que diverses techniques de récupération du fer, à partir du minerai trouvé en divers endroits de la falaise de Bandiagara, aient été mises au point dans différents villages parfois séparés de quelques dizaines de kilomètres[21]. Cette production, déjà avérée sur le site de la falaise pendant plus de mille trois cents ans (à raison d'environ 15 tonnes estimées par an), permet de mieux comprendre le statut particulier et respecté des forgerons dans la société dogon, ainsi que les échanges commerciaux que pratiquaient les Dogon.

Le tissage du coton est l’affaire des hommes. Les tisserands installent leur métier à tisser sur la voie publique.

Dans les villages, le marché a lieu tous les 5 jours, ce qui correspond à la semaine dogon.

La lutte traditionnelle est très pratiquée par les garçons et les jeunes hommes. Des tournois réguliers sont organisés entre quartiers et entre villages.